PATRICK REBEAUD - réalisateur


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ALAIN GIBERTIE


L’Union Française du Film pour l’Enfance et la Jeunesse (UFFEJ) m’a envoyé la retranscription des échanges que nous avons eus autour de la projection d’ “Alain Gibertie, vivant” aux “Entretiens Cinéma et Éducation Populaire“ de Cadouin :

Mardi 8 octobre 2002

Patrick Rebeaud, Réalisateur:
Je vous raconte ce qui m’est arrivé. En 1996, je reçois l’appel téléphonique de quelqu’un qui me dit: “Bonjour, je m’appelle Alain Gibertie, je voudrais que vous fassiez un film sur moi.“ A la suite de quoi, nous nous sommes rencontrés le lendemain dans un café à Beaubourg. Il s’est présenté comme artiste-performeur. Pierre Labrot donne une définition de la performance lors de l’une des interviews du film.

Nous avons commencé à tourner avec Alain Gibertie que j’ai découvert à ce moment là. C’était quelqu’un de très attachant, de très vivant et de très passionnant. Le tournage a débuté le 25 avril 1996 avec le projet de poursuivre ces prises de vue en août.

Alain Gibertie s’est donné la mort le 12 juillet. Je me suis dit que ce film ne pouvait plus se faire.

Quelques mois plus tard, Thomas, le fils d’Alain Gibertie, qui est ici, est venu frapper à ma porte et m’a demandé de voir les images. On a regardé les trois heures de rushes. Thomas avait très envie que le film existe et moi-même, en revoyant ces images, ai eu très envie de continuer. Je suis parti à la rencontre des amis d’Alain qui sont devenus mes amis, à commencer par Thomas et Pierre Labrot. Pendant cinq ans, nous avons cherché des documents, des informations et des témoignages. Ce film a pu se faire avec beaucoup de patience. La première version du montage durait 4 heures 45 minutes, c’était le récit exhaustif de la vie d’Alain Gibertie. Il a fallu faire une succession de montages, et nous avons réussi à faire un film qui dure 52 minutes.

Pour cette deuxième projection du film, je salue la présence de Thomas Gibertie et de Pierre Labrot qui m’ont beaucoup aidé. C’est important pour moi d’être ici, dans la région d’Alain Gibertie. J’ai envie de paraphraser une certaine déclaration célèbre d’un artiste: “Ceci n’est pas une pipe“ et bien, ceci n’est pas un film, j’ai du mal à le présenter comme un spectacle. Vous aurez peut-être ce sentiment après la projection, on n’a pas envie d’applaudir. C’est un film qui demande à être décanté. Un journaliste de Libération m’a appelé une semaine après pour me dire qu’il l’aimait beaucoup.

Vous allez constater que Thomas raconte des choses très intimes, des choses qu’il a vécues qui sont parfois dures, je fais confiance à votre élégance pour ne pas lui remuer le couteau dans la plaie.

Le titre "Alain Gibertie vivant", n’est pas de l’ironie de ma part, c’est une ironie d’Alain: sur toutes ses cartes de visite, sur toutes ses œuvres d’art, sur tous les courriers toujours très beaux qu’il a pu envoyer et notamment au plasticien Ben, on lisait: Alain Gibertie Vivant.

QUESTIONS ET DÉBAT

Gérard Lefèvre, UFFEJ:
On ne peut pas ne pas avoir de réaction, j’avais l’intention de sortir parce que j’avais mal à la tête et je suis resté cloué. Je suis fasciné dans quelque chose que je cherche à élucider, quel est ce regard que je porte sur quelque chose de très intime, je me sens voyeur plus que spectateur. Penser un seul instant qu’on ne puisse pas être bousculé par ce que dit cet artiste de la vie et de la mort serait gonflé. Thomas m’a bouleversé par sa pudeur.

Patrick Rebeaud:
Je vous avais dit qu’après, c’est le silence.

Thierry Dessolas:
J’ai bien connu Alain Gibertie, j’étais très lié à lui, je l’ai beaucoup aimé et il me l’a bien rendu. Merci pour ce très beau film, merci à Thomas qui a apporté un témoignage, très clair, très lucide, courageux sur son père. J’ai toujours eu le sentiment, au cours des années où je l’ai fréquenté, que c’était quelqu’un de très généreux, qui n’a jamais choisi la facilité ni dans sa vie, ni dans sa mort.

Une spectatrice:
Je ne connais pas Alain Gibertie, mais avec ce film, vous vous attaquez à un tabou énorme: le suicide. On n’en parle pas. Lui, son fils et vous, en parlez. C’est pour cela que c’est bouleversant, il est très bien votre film.

Pierre Labrot, plasticien:
Je voudrais dire que tout le monde pense que la peinture, c’est un pinceau et de la toile. En fait, c’est plus que ça. Il n’est pas besoin de grands discours pour le comprendre.