PATRICK REBEAUD - réalisateur


I Accueil I Réalisations I Festival de Cannes I Démo TV I Blog I Gibertie I Liens I Archéologie I Théâtre I Presse I Contact I




Louis Aimé Augustin Leprince
Pionnier du cinéma


30 Mai 2019

Dès 1887 et jusqu’en 1890, le français Louis Aimé Augustin Leprince invente des caméras. La première que l’on connaît -avec ses 16 objectifs- ne fonctionne pas très bien. Les suivantes en revanche lui permettent de capter les mouvements naturels et fluides de passants dans la rue et de sa famille dans son jardin. Leprince a réussi à faire des prises de vues animées.

Malheureusement, il disparaît au moment précis où il allait rendre publique son invention. Certaines de ses scènes nous sont parvenues, attestant de son antériorité sur des aspects importants de cette course à la mise au point du cinéma. Pourtant, une phrase continue de tourner en boucle : « Les Frères Lumière ont inventé le cinéma en 1895 ».

Essayons de désembrouiller tout ça.

Qui a inventé le cinéma ?

Laurent Mannoni raconte dans son livre très documenté « Le grand art de la lumière et de l’ombre » qu’une salle de projection se trouvait sur le Pont Neuf à Paris au 17ème siècle! Le public pouvait y voir sur un écran une image en couleurs et en mouvement montrant la circulation autour du Louvre ! Ce système exploitait le principe de la chambre noire. L’image diffusée était donc celle du monde extérieur en direct captée à travers un trou dans le mur. Restait à inventer le moyen d’enregistrer l’image pour pouvoir la diffuser plus tard et ailleurs.

Deux siècles après, on découvre qu’en enchaînant des dessins légèrement différents les uns des autres, on peut créer un dessin animé. Cela à une condition : placer un système d’obturation entre les images.

Reste à faire la même chose avec des photographies.

Des chercheurs comme Marey parviennent à saisir la marche d’un homme, le vol d’un oiseau ou la course d’un cheval par exemple, et à les décomposer en une succession de phases.

On avance. Mais leur intention n’est pas de créer un spectacle. Ils souhaitent uniquement comprendre scientifiquement le mécanisme des gestes et des modes de locomotion. Recomposer le mouvement et le projeter sur un écran n’est pas leur premier but. Précisons quand même que si le projet de Marey n’a rien d’artistique, le résultat est malgré tout splendide.

En tous cas, tous les éléments sont là : la projection, l’obturation, la photographie. Qui va en faire la synthèse ?

L’artiste peintre Louis Aimé Augustin Leprince veut être celui-là. Son parcours l’y conduit. il a travaillé sur des Panoramas, immenses toiles peintes entourant le public avec sons et lumières. Ce sont les ancêtres des spectacles immersifs dans l’esprit du Futuroscope d’aujourd’hui.

Leprince veut utiliser les découvertes scientifiques antérieures pour créer un spectacle d’images photographiques animées. Il se lance en 1887. Et il réussit à capter des scènes de la vie, en extérieur.

Edison, lui, tournera ses films après Leprince. À l’actif d’Edison cependant (ou plutôt à l’actif des gens travaillant pour lui) : l’invention de la célèbre pellicule 35 mm utilisée ensuite pendant tout le 20ème siècle.

Les Frères Lumière arrivent après tout ça. Leur père a eu l’idée de rassembler en un seul système la machine d’Edison - qui se présente comme une visionneuse individuelle - avec celle d’Emile Reynaud - qui projette des dessins animés sur un écran. Synthèse que faisait déjà Leprince 7 ans auparavant.

C’est compliqué ? Oui. C’est compliqué.

Alors, pour simplifier tout ça, on prend un repère : on dit que ce sont les Frères Lumière qui ont inventé le cinéma en 1895.

Est-ce que c’est grave ?

Ça pourrait ne pas l’être, car après tout, chaque spectateur d’aujourd’hui n’a pas à devenir un diplômé en histoire du cinéma pour apprécier le 7ème art. Le problème, c’est que dans cette description raccourcie, Leprince est totalement occulté, oublié. Sa place n’a pas seulement été réduite, elle a été anéantie.

Comparons avec d’autres erreurs du même genre dans d’autres domaines :

Tout le monde dit que le fleuve traversant Paris est la Seine. Les géographes nous affirment que c’est faux. En réalité, selon leurs critères, c’est l’Yonne. Cependant, on préfère continuer de l’appeler la Seine car il s’agit d’un point de repère commun. La réalité scientifique est volontairement dissociée du nom inscrit sur toutes nos cartes depuis toujours. Et c’est très bien ainsi.

Autre exemple :

Historiquement, Jésus est né au moins quatre ans avant lui-même. Le Vatican le sait et le reconnaît. Mais vu que l’idée communément admise consiste à dire que nous sommes en 2019 après Jésus-Christ, personne n’envisage de décaler le calendrier en prétendant que nous sommes en 2023.

Dans ces deux cas, on a séparé la parole des spécialistes de la notion de point de repère. MAIS on fait cohabiter les deux en bonne intelligence.

Il me semble que l’on devrait appliquer cette méthode à l’histoire de l’invention du cinéma. Conservons 1895 comme date officielle de mise en route puisqu'il en faut une. Reconnaissons aussi le talent de cinéastes des Frères Lumière dont les films sont superbes. Mais n'effaçons pas de la mémoire collective le nom d’un homme qui a  sacrifié sa relation avec sa famille, son métier, son argent et ... sa vie, pour inventer le 7ème art : Louis Aimé Augustin Leprince.


Patrick Rebeaud

Auteur et réalisateur du film documentaire L’AFFAIRE LEPRINCE, le cold case de l’histoire du cinéma.

Ce film est une enquête concernant l’incroyable disparition de Leprince, peu de temps avant sa première projection publique.

Pour populariser le nom d’Augustin Leprince, je lance une pétition. Cliquez ici.


Votre réaction.


Suite



Les images, textes et concepts de ce site sont déposés à la S.A.C.D sous le n° 145135
Reproduction interdite



I realisateur I documentaires I Theatre I Archeologie I Cineaste I enseignement du cinema I