Au plus fort de la canicule, un homme agenouillé gratte le sol. Jai connu pire, se rassure-t-il. Cétait sur des fouilles à la campagne, quand le terrain décapé renvoyait une grande partie du rayonnement solaire. Larchéologue Nicolas Thomas est en train de mettre au jour un ensemble de pierres qui occupe tous les esprits de léquipe depuis plusieurs mois. Une découverte unique. Un véritable cadeau de la terre pour un chercheur comme lui, spécialiste des questions métallurgiques.
Nous sommes en plein Paris, dans la cour dun hôtel particulier du Marais. Les fouilleurs de l'INRAP explorent le lieu avant les travaux de construction dun auditorium. Cet étrange pavement qui apparaît sous la truelle de larchéologue est bien ce que lon pressentait: un four de bronzier du moyen-âge.
Les objets qui surgissent sans cesse confirment la piste: Un fragment de creuset. Cest un bord. Dun geste, Nicolas Thomas dessine dans lair la partie manquante du récipient. Et ça, cest un bout de four reconnaît le spécialiste en retournant dans ses doigts une pierre patatoïdale.
Aurore, qui gratte le sol à ses côtés, lui dépose dans la main ce quil identifie comme un moule avec une empreinte. Particulièrement bien conservé, ça!
La découverte suivante est verte et transparente. Alors voilà, ça en est. Cest joli, cest beau, cest vitrifié. En fait, ça, cest de la paroi de four. Le sable contenu dans largile sest transformé en verre parce que ça a chauffé très fort.
Les sachets de plastique se remplissent à une vitesse étonnante. Tout ce mobilier sera étudié avec le plus grand soin. Et pas seulement ça. On tamise la terre elle-même de multiples fois. Ce qui échappe à lil ne passera pas entre les mailles du grillage. Cette exigeante précision permet dextirper de la parcelle de terrain de 80 mètres carrés bien plus dinformations que prévu.
Il faut dire que le sous-sol de lHôtel de Mongelas est riche. Cest une vraie chance. Lensemble du chantier peut donner une vision globale de latelier dépoque. Dailleurs, la cave de lartisan est encore là, quasi intacte, avec une partie de son escalier. Ces découvertes révèlent ce quaucun livre navait vraiment mis en mémoire: le mode de vie et les activités techniques dune équipe de bronziers du moyen-âge, ainsi que de nombreuses informations sur le fonctionement du quartier, de la ville, de la société du XIVème siècle.
Quant à moi, je suis heureux dassister à cette mise au jour, et den conserver lhistoire grâce à la vidéo. Ces centaines dheures denregistrement constituent un document sur la découverte dun site rare et de sa fouille particulièrement méticuleuse. A cet instant, je ne regrette pas mon pari: accompagner les archéologues absolument tous les jours et filmer, tout, systématiquement.
Les couches supérieures sont à présent retirées. Le four est là. Un tel vestige de cette époque apparaît pour la première fois sous les yeux dune équipe de scientifiques. Limpression quil procure est inattendue: cest beau. Seuls les véhicules que lon entend klaxonner à vingt mètres de là, dans la rue des Archives, nous rappellent que nous sommes à Paris au XXIème siècle.
Mais létude de ce site na pas fini détonner. Les chercheurs vont lui faire livrer, pendant les jours et mois qui suivront, quantités dinformations parmi lesquelles quelques surprises...
Tout cela, vous pourrez le découvrir dans mon film documentaire de 52 minutes.
http://www.patrick-rebeaud.com
Patrick Rebeaud
Télécharger l'article de Nicolas Thomas et David Bourgarit pour le magazine "La Recherche".
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