S il y a un homme concerné par la question des limites de lart, cest bien Gibertie.
Précisément parce que, pour lui, il ny a pas de limite à l art. Pas de limite à la vie, non plus. L art nest pas faire semblant. La vie nest pas faux semblant. Tout est vrai. Ni imitation, ni limitation.
Alors, forcément, ça fait peur. Déjà que l art est sorti du cadre de la toile, va-t-il aussi
déborder de la scène de la représentation ? Chez Gibertie, oui. Le corps est en jeu, mais ce nest pas un jeu. Il est en scène, mais cest la vie; accompagnée par la mort, qui avec une implacable cohérence lattendra au tournant.
Chez beaucoup d artistes, il y a ce moment où l on sort de scène, où l on redevient soi-même dans toute son intimité. Chez Gibertie, l intimité est publique. Et la souffrance en fait partie dune manière quasi religieuse.
Pierre Labrot dit dans une séquence de mon film quil ne suffit pas de se tuer pour avoir raison. C'est très juste. Le suicide nest pas un argument. Est-il néanmoins une uvre ?
Quoi quil en soit, nous nous souviendrons de certaines performances de Gibertie, notamment celle au cours de laquelle Thomas son fils, ou Charles Dreyfus son ami, laissaient tomber de très haut, en tremblant, des plaques de verre sur la tête d Alain. Claquement fort et régulier, rythmant un texte du Tao Te King. À ce sujet, lartiste Ben sexclame: Il ne risquait rien. Mais en même temps, il risquait beaucoup.
Gibertie est-il un artiste ? Il ne l a jamais prétendu. Il se disait Vivant.
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