Je me souviens
de l’ère glaciaire des écoles d’art ; quand
certains profs aux sourcils lourds marmonnaient entre eux que le cinéma
n’est pas de l’art. Dans ce contexte, je réalisais des films
d’animation avec Eric Reynier. C’était une lutte.
L’humour
que nous prenions un malin plaisir à laisser filtrer dans nos
productions déstabilisait ces hommes inquiets. A cette époque, en
art, la « figuration libre » faisait un malheur. Elle
semblait faire aussi leur malheur.
Nous, nos films
avaient bonne presse, ils étaient multi diffusés par les
chaînes, et sélectionnés dans les festivals (dont Cannes).
Mais à l’école, nos juges mettaient notre travail en examen,
avec l’espoir d’évacuer les trublions. Ce qu’ils ont
d’ailleurs réussi à faire, puisque j’ai
préféré poursuivre mes études à
l’Idhec (l’actuelle Femis).
Ces professeurs
en arts plastiques du siècle dernier m’ont tout de même
enseigné (par le contre-exemple) une chose très importante pour
la suite : lorsque je suis devenu enseignant à mon tour, j’ai
pris soin de ne jamais décourager les étudiants dans leurs
élans créatifs.
« Vernissage »
est l’un des films que j’ai réalisés avec Eric. Il
s’agit d’un film d’animation tourné en image par image
avec la technique de la peinture à l’huile, en super 8
gonflé en 35 mm.
La semaine
dernière, je discutais avec le cinéaste Rémi Lange. Il a
vu ce film à l’époque. Il s’en souvenait. Il
m’a appris que c’est lui qui avait choisi d’en diffuser un
extrait dans un numéro de l’émission
« L’oeil du cyclone » qu’il avait
réalisé pour Canal Plus. Ce magazine était chaque semaine
à l’affût d’images portant un regard décalé,
créatif, innovant, sur le monde. Avec cet épisode, Rémi
souhaitait prendre la défense du format Super 8 alors en voie de
disparition.
Voici cette
émission (le court extrait de « Vernissage » se
trouve entre 10 minutes 27 et 10 minutes 44) :
Extraits de
presse concernant « Vernissage » :
« Heureusement
que le dessin animé est toujours moins prétentieux que les
“vrais” films. Celui-ci, avec une virtuosité rigolote, fait
s’animer une sorte de peinture à transformations: colorations des
visages, une fourchette devient une bouteille, qui elle même devient un
bonhomme; etc. » Louis Skorecki - Libération -
« Un
petit film plein d’humour et de pertinence: le buffet d’un cocktail
mondain est englouti sous nos yeux, en pastels animés. La salle se vide,
et alors seulement apparaissent sur les murs, dérisoires, les toiles de
maître prétexte à cette foire aux
vanités. » Bernard Génin - Télérama
–
« Le
plus beau film du festival a malheureusement été oublié:
“Vernissage” de Patrick Rebeaud et Éric Reynier,
dépeint avec cruauté une de ces cérémonies bien
parisiennes où l’on s’occupe de tout sauf de peinture. Outre
ses trouvailles (la pomme de Cézanne dévorée par les
pique-assiettes), le film est parfaitement adapté au court
métrage, développant une seule idée en moins de deux
minutes, là où beaucoup de ses concurrents ne sont que des
brouillons de longs métrages. » Hubert Prolongeau -
Cinéma -
« Trois films dominent ces deux dernières
journées: (...) Vernissage une animation de Patrick Rebeaud et
Éric Reynier montre la vérité d’un vernissage, tout
le monde boit et parle et personne ne voit la peinture. Difficile de mieux
traiter le sujet, en humour glacial, en si peu de temps. » Roger
Balavoine - Paris Normandie -
« A
noter encore un excellent court métrage d’animation: Vernissage.
Partant d’une toile, peinte plan par plan, se déroule une
très vivante mise en image d’un vernissage où l’on
déguste beaucoup. De la peinture intéressante et du cinéma
de choix qui furent applaudis par le public. » André Ruellan
- Les Affiches de Normandie -